Didier, attention à ne pas dépasser !
Demander à un directeur artistique ce que signifie « ringard », c’est lui offrir une occasion de sourire. Peut-être même qu’il vous répondra par une question : « De quel ringard parlez-vous ? » Car la ringardise n’est pas un bloc uniforme, mais une palette infinie de nuances.
La première relève du ringard maîtrisé, presque noble. Celui qui joue avec les codes du trop-plein et de l’excès, assumé dans le Pop Art, revendiqué par le Bad Painting, réinventé dans le Lowbrow Art. C’est une stratégie artistique : reprendre le « mauvais goût » pour le transformer en esthétique.
La seconde est moins glorieuse : elle naît de l’utilisation compulsive de modèles prédéfinis et de solutions « tout-en-un » : Canva, Wix, thèmes WordPress commerciaux, photothèques, Pinterest pour pomper des idées. Derrière la promesse d’efficacité, on retrouve surtout l’illusion d’une créativité prêt-à-porter : une succession de gabarits clonés sur d’autres gabarits, eux-mêmes inspirés du travail de vrais designers. Et c’est précisément là que réside la ringardise : recycler des ersatz en boucle.
Attention Didier, ça dépasse !
Comptable sérieux, roi d’Excel, Didier n’a rien d’un créatif. Mais il adore s’imaginer graphiste. Alors il active son « neurone ringard » : celui qui sert aux coloriages numérotés (en évitant de dépasser). Et hop : logo sur Logogenie, slogan sur ChatGPT, affiche Canva + Midjourney. Rapide, mécanique, sans âme. Pire encore : Didier brandira ce bricolage comme une œuvre de communication, sans en saisir la portée, et surtout sans être prêt à en assumer les conséquences.
C’est, au fond, une nouvelle forme de ringardise contemporaine - notre art pompier à nous. Alors, avec bienveillance, un directeur artistique y verra probablement du kitsch post-Internet : une maladresse attendrissante, qui révèle surtout l’envie sincère des clients de prendre part eux-mêmes à leur communication visuelle.